Définition de LE, LA, LES

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : le, la, lê ; l's se lie : lê-z amis, lêz hommes

DÉFINITIONS

1
Le est l'article du nom masculin au singulier ; l'e s'élide devant une voyelle ou une h muette. Le livre, l'homme, l'épi.
Ah ! ruban tant qu'il vous plaira ; mais ce le où elle [Agnès] s'arrête n'est pas mis pour des prunes ; il vient sur ce le d'étranges pensées, ce le scandalise furieusement ; et, quoi que vous puissiez dire, vous ne sauriez défendre l'insolence de ce le
La est l'article du nom féminin au singulier ; l'a s'élide devant une voyelle ou une h muette. La lune, l'âme, l'heure.
Les est l'article du pluriel ; et il est commun aux deux genres. Les livres, les roses.
2
Si la préposition de ou à se trouve devant l'article masculin au singulier, et que le nom suivant commence par une consonne ou par une h aspirée, on change de le en du, et à le en au : du mois ; au mois ; du héros ; au héros.
Si le nom commence par une voyelle ou par une h non aspirée, la préposition et l'article n'éprouvent aucun changement ; mais l'article, soit masculin, soit féminin, s'élide : de l'enfant ; à l'enfant ; de l'honneur ; à l'honneur ; de l'amitié ; à l'amitié.
Nature : Au plur. Pour de les on dit des, et pour à les on dit aux : des héros ; aux héros ; des enfants ; aux enfants ; des femmes ; aux femmes.
3
On répète l'article devant des substantifs qui sont unis par la conjonction et : le père et la mère. Cependant, on dit quelquefois, sans le répéter : les père et mère.
Les père et mère ont pour objet le bien
de Jean de LA FONTAINE dans Cal.
4
On répète l'article avant plusieurs adjectifs qui modifient un substantif.
Voilà l'unique et la grande règle qu'il suivait
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. II, p. 45
L'utile et la louable pratique, de perdre en frais de noces le tiers de la dot qu'une femme apporte !
de Jean de LA BRUYÈRE dans VII
Cette répétition est obligatoire quand les adjectifs expriment des idées tout à fait distinctes : Les bonnes et les mauvaises actions qu'il a faites.
Mais elle n'est pas obligatoire quand les idées exprimées par les adjectifs n'ont rien qui se contredise ou s'oppose : Voilà l'unique et grande règle qu'il suivait. L'utile et louable pratique. L'humble et timide innocence.
5
On peut mettre l'article devant un adjectif avec le substantif sous-entendu, quand le substantif vient d'être énoncé avec un autre adjectif.
On ne vous a pas laissé ignorer l'histoire grecque ni la romaine
L'un a les affaires de la terre et l'autre les maritimes
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Elles se bornent aux choses présentes et nous font perdre de vue les éternelles
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Mystères, Incarn.
6
Les se met devant les nombres de jours, d'heures, etc. pour indiquer une certaine approximation ou latitude.
Dans ces étranges sublimités, où ils [les mystiques] passent tranquillement les dix et les vingt ans sans seulement penser à lui [Jésus-Christ] ni à aucun de ses états
Le vent étant tombé vers les huit heures du soir
7
L'article au pluriel peut se mettre devant les noms propres d'une façon emphatique, sans idée de pluralité, et alors en effet on ne leur donne pas la marque du pluriel. Les Bossuet, les Racine ont été la gloire du siècle de Louis XIV.
Il s'y joint aussi avec le sens de pluralité ; alors on leur donne la marque du pluriel. Les Virgiles sont rares, c'est-à-dire les poëtes tels que Virgile.
Il se met devant un nom de famille, pour indiquer la famille entière. Les Stuarts. Les Bourbons. Les Corneilles étaient frères.
Je connais les Brassacas ; c'est une des meilleures familles de la Garonne
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Prix de l'arquebuse, sc. 18
8
L'article se met encore devant un nom propre pour l'indiquer comme un type, un représentant d'une classe.
Personne ne respecte plus que moi saint François Xavier ; c'était un Espagnol animé d'un zèle intrépide ; c'était le Fernand Cortez de la religion
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. hist. Mensong. impr. 32
9
L'article se met devant plusieurs noms italiens. Le Titien, le Corrége, le Tasse, l'Arioste.
Cela soit dit pourtant sans offenser le Tasse, que je ne puis oublier sans être une ingrate
On dit aussi le Poussin, bien qu'il soit français ; mais son long séjour en Italie a fait que l'article s'est joint à son nom.
Les Italiens sont le seul peuple de la terre chez qui on accorde l'article le aux auteurs : le Pulci, le Bojardo, l'Arioste, le Tasse ; mais on n'a jamais dit, chez les Latins, le Virgile ; ni chez les Grecs, l'Homère ; ni chez les Asiatiques, l'Ésope ; ni chez les Indiens, le Brama ; ni chez les Persans, le Zoroastre ; ni chez les Chinois, le Confutzé
Ne dites pas le Dante ; les Italiens ne mettent l'article qu'avec le nom de famille : le Tasse, l'Arioste, et non avec le nom de baptême ; or Dante, abrégé de Durante, est un nom de baptême ; quand les Italiens mettent l'article au nom de ce poëte, c'est qu'ils le nomment de son nom de famille : l'Alighieri.
10
L'article se joint quelquefois aux noms propres quand on parle soit familièrement, soit légèrement, de personnes qui ont une notoriété.
La l'Esvile lui dit qu'au lieu de lui faire des excuses....
Quittons la Bretagne, et parlons de Grignan, parlons de ces frères qui reviennent toujours au gîte ; ce qui m'étonnait, c'est que le Carcassonne en fût sorti
À mon gré, le Corneille est joli quelquefois
On se permet quelquefois de mettre l'article à des noms propres, et surtout en parlant de certaines femmes extrêmement connues, soit en bien soit en mal ; ainsi l'on dira la Champmeslé, fameuse actrice ; la Brinvilliers, célèbre empoisonneuse
de D'OLIVET dans Ess gramm. ch. II, § 2
Il [Molière] partit de Lyon pour les états du Languedoc avec une troupe assez complète, composée principalement de deux frères nommés Gros-Réné, de Duparc, d'un pâtissier de la rue Saint-Honoré, de la Dupare, de la Béjart et de la Brie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Vie de Molière.
J'entre, je lis, d'une voix fausse et grêle, Le triste drame écrit pour la Denèle ; Dieu paternel ! quels dédains, quel accueil ! De quelle oeillade altière, impérieuse, La Dumesnil rabattit mon orgueil ! La Dangeville est plaisante et moqueuse
La boutique de la Duchapt, célèbre marchande de modes
11
Quand on cite en latin un titre d'ouvrage qui est féminin en cette langue, plusieurs y joignent néanmoins l'article masculin le.
Ils [Scévole et Louis de Sainte-Marthe] composèrent ensemble le Gallia christiana
D'autres suivent le genre du latin : la Gallia christiana.
Les naturalistes sont convenus de mettre toujours le devant les noms latins de plantes et d'animaux, lors même que ces noms sont féminins en latin : le nymphaea alba, L.
12
À la, à la façon de. À l'anglaise.
Pour parler à la Montesquieu
13
L'article se dit quelquefois au vocatif, familièrement, et quand on s'adresse à quelqu'un dont on ne sait pas le nom. Hé ! l'homme, venez ici.
14
Le, la, les, sert à former le superlatif. Le plus sage des hommes. Le meilleur des hommes. La pire des conditions. La plus douce consolation d'un homme de bien affligé est la pensée de son innocence. Quoique cette femme montre plus de fermeté que les autres, elle n'est pas la moins affligée. Les animaux les plus féroces.
Il ne faut pas se flatter, les plus expérimentés dans les affaires font des fautes capitales ; mais que nous nous pardonnons aisément nos fautes quand la fortune nous les pardonne ! et que nous nous croyons bientôt les plus éclairés et les plus habiles quand nous sommes les plus élevés et les plus heureux !
La honte suit toujours le parti des rebelles ; Leurs grandes actions sont les plus criminelles
Dans ce superlatif le devient invariable, formant avec plus ou moins une sorte d'adverbe, quand le superlatif indique excès, non comparaison. Cette scène est une de celles qui furent le plus applaudies. La lune n'est pas aussi éloignée de la terre que le soleil, lors même qu'elle en est le plus éloignée.
Ceux que j'ai toujours vus le plus frappés de la lecture des écrits de ces grands personnages [les auteurs grecs et latins], ce sont des esprits du premier ordre
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lett. à Perrault
Ceux mêmes qui s'y étaient le plus divertis ont eu peur de n'avoir pas ri dans les règles
Mais qu'on me nomme enfin dans l'histoire sacrée Le roi dont la mémoire est le plus révérée ; C'est ce bon Salomon....
que l'on rend aussi le plus de justice à leur gloire
de THOMAS dans Essai sur les éloges.
Dira-t-on : les opinions les plus ou le plus généralement suivies ? La réponse dépend de l'intention de celui qui parle, ou de ce qu'il veut faire entendre. Des opinions peuvent être plus ou moins généralement suivies ; si c'est là ce que vous entendez, le, relatif à l'adverbe, sera invariable comme lui, et le plus signifiera le plus qu'il est possible. Si vous avez en vue d'autres opinions plus suivies que celles-là, et que vous vouliez indiquer cette comparaison, c'est au nom que doit se rapporter l'article, et vous direz : les plus suivies. Par suite de ce qui vient d'être établi, ce sera une faute de dire : les opérations le mieux combinées de la campagne, par cela même qu'il y a ici comparaison ; il faudra dire : les mieux combinées (LAVEAUX). Ainsi on dira : Les arbres les plus hauts sont les plus exposés à la tempête, parce que le rapport du superlatif est déterminé ; mais on dira : On a abattu les arbres le plus exposés à la tempête, parce que le rapport n'est pas déterminé. C'est par la même raison qu'on dira : Les parures les plus à la mode sont celles dont je viens de vous parler, et Les parures le plus à la mode ne conviennent pas aux femmes âgées. On dira : Les Égyptiens et les Chaldéens sont les nations les plus anciennement policées ; mais on dira : Les monuments des nations le plus anciennement policées.
Si le superlatif relatif précède son substantif, un seul article suffit pour l'un et pour l'autre : Le plus célèbre orateur qu'aient eu les Romains est Cicéron. Mais si c'est le substantif qui précède le superlatif, il faut mettre un article à l'un et à l'autre : le triomphe le plus beau. Par licence poétique, Molière et Racine n'ont pas observé cette règle :
Mais je veux employer mes efforts plus puissants
Chargeant de mon débris les reliques plus chères
Quand il y a deux superlatifs de suite, on répète l'article : les plus méchants et les plus décriés personnages. Cependant on peut quelquefois supprimer le second article.
Dis si les plus cruels et plus durs sentiments Ont rien d'impénétrable à des traits si charmants
15
Nature : Au singulier, l'article s'emploie pour parler en général. L'homme est le roi des animaux. La bête n'est point, comme le prétendait Descartes, un automate. La plante meurt sur le lieu où elle a vécu.
16
Au sens général, l'article se supprime quelquefois. Contentement passe richesse. Cette suppression se fait surtout dans des locutions proverbiales ; on ne peut guère s'en servir ailleurs que par assimilation à ce genre de locutions. Au contraire, dans l'ancienne langue, elle était de règle.
17
L'on, voy. ON.
18
L'un ou un, voy. UN.

HISTORIQUE

1
IXe s.
Viam de l'estege. - Quinque jugera ad la rochere. - Infra rivulum del brol
dans Charte de 880, dans DOM CALMET, Hist. eccl. de Lorraine, t. I, p. 316, éd. de 1728
2
Xe s.
Voldrent la veintre li deo inimi
dans Eulalie
Elle n'out eskoltet les mals conselliers
dans ib.
Si escit [sortit] foers [hors] de la civitate.
dans Fragm. de Valenc. p. 468
Si astreient [seraient] li Judei perdut, si cum il ore sunt
dans ib. p. 468
3
XIe s.
Salvez serez de Deu le glorius
dans Ch. de Rol. IX
Li reis Marsiles est moult mis enemis
dans ib. X
Les diz mulez fait Charles establer
dans ib. X
Ce dist li reis : al [au congé de] Jhesu et al mien
dans ib. XX
Des douze pairs li diz en sont ocis
dans ib. C
4
XIIe s.
Entr'eux sont bien li mille chevalier
dans Roncis. p. 37
Si combatrai as [avec les] doze compeignons
dans ib. p. 40
Par la Deu grace qui en la crois fu mis
dans ib. p. 71
Et tant des autres
dans ib. 32
Il ert as [aux] porz [passages] o [avec] sa grant ost bannie
dans ib. 33
[Ce cheval] Plus pooit courre par puis et par larris Que li [celui de] Rolant
dans ib. 136
Li mien baron [ô mes barons], Mahons vous soit garant
dans ib. 137
Pour la Charlon [l'épée de Charles], dont il oït parler
dans ib. p. 125
Quant li estez et la douce saisons...
dans Couci, XII
5
XIIIe s.
Ensi sejornerent le jor et l'endemain en cel palais, et el tiers jour leur donna Diex bon vent
Il parla as barons de France, au palais de lo Scutarie
Et y a moult grant plente de gent del païs
Einsi fu li assaus devisés, que les trois batailles des sept devoient l'ost garder par defors, et les autres quatre devoient aler à l'assaut
Tant come on pooit voir aus iels [yeux], ne paroient [paraissaient] fors voiles de nes et de vaissiaus
Espousa rois Pepins Berte la belle et gente
dans Berte, X
Li une lui aporte à manger d'un poucin
dans ib. LX
6
XVe s.
Et l'amenerent par grand solennité en une cité qu'on appelle Saint Jean en Escosse, où l'on prend le bon saumon et grand foison
7
XVIe s.
La plus parfaite des trois especes de gouvernement de la chose publique et la plus selon Dieu et nature, est celle de la royauté
de Jacques AMYOT dans Épître.
Ils auront en leur langue maternelle ce qu'il y a de plus beau et de meilleur en la latine et en la grecque
de Jacques AMYOT dans ib.
À celuy qui aura l'espée la mieux tranchante
de Jacques AMYOT dans Pyrrhus, 18
Les armez à la legere firent une course sur eulx
de Jacques AMYOT dans Anton. 53
Aristobulus escrit qu'il y en eut de morts trente et quatre en tout, dont les douze estoient gens de pied
de Jacques AMYOT dans Alex. 29
S'ils estoient mis en dix parts, on trouveroit que les huit sont incommodez
À l'exemple d'eux, les mediocrement riches, voire les pauvres, ont aussi voulu....
Il y en a (dira-t-on) qui s'eslevent par là : ce qui est vray, mais ce n'est pas de cinquante l'un
Mespriser les actions lasches et exalter les genereuses
Les provincial et recteur des jesuites de Douai
Souvent la raison et entendement nous defaut
Et qui dit que le soupçon est amour, je lui nie
Seneque, un Burre, un Trazée, ceste terne de gens de bien, desquels mesmes les deux leur mauvaise fortune les approcha d'un tyran
En mon temps, trois les plus execrables personnes que je cognusse
de Michel de MONTAIGNE dans I, 68
Il [l'article] sert aussi au vocatif, comme : l'hoste, venez çà ; escoutez, la belle fille
de RAMUS dans dans LIVET, la Gramm. franç. p. 239

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. lo, le, los, les, la, las, et aussi li au pluriel masculin ; espagn. lo, los, las ; port. o, os, a, as ; ital. lo, la, i, gli (anciennement li), le ; du lat. ille, illa, illi, illae, illos, illas. Il est singulier que ille ait laissé tomber la syllabe accentuée pour ne garder que celle qui ne l'était pas ; peut-être cela s'explique-t-il parce que, passant au rôle d'article, il est toujours proclitique et non accentué dans la phrase.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
1.
L'article est-il bien employé dans cette phrase-ci : Cela ne casse ni bras, ni tête ; conservez la vôtre, monsieur le duc
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Corresp. génér. 13 mars 1741
2
2. Au XVIIe siècle, on pouvait supprimer l'article dans les expressions superlatives.
Qui le jette au danger, lorsque moins il y pense